Cela fait plusieurs mois que l’on entend parler des négociations interminables entre l’industrie du cinéma et les opérateurs de plates-formes VOD, notamment les FAI (Fournisseur d’Accès Internet) sans en voir le bout, chacun cherchant à préserver ses intérêts. Pourtant, depuis peu, les positions des uns et des autres semblent évoluer dans le bon sens.
Pour mieux comprendre les enjeux, il me semble important de repréciser ce qu’est cette fameuse Chronologie des Médias et dans quelle mesure sa modification comporterai des risques pour certains intervenants de la chaîne de valeur du Cinéma.
La Chronologie des médias est la règle qui définit l'ordre et les délais dans lesquels les exploitations d'une œuvre cinématographique peuvent intervenir. C’est une réglementation fixée dans un cadre légal qui a pour but de sauvegarder la chaîne de production et d’exploitation des films permettant au cinéma français de se maintenir au niveau mondial. Cette chaîne est basée sur le préfinancement des films par l’ensemble de ses acteurs.
Cette chronologie a été établie avant l’arrivée de la VOD et toute la difficulté est d’y intégrer ce nouveau service sans déstabiliser l’équilibre du financement.
En 2005, un premier accord temporaire a été signé prévoyant l’intégration de la fenêtre VOD 33 semaines après sa sortie en salle (8 mois et demi), alors que ce service n’en était qu’à ses balbutiements.
Cet accord est arrivé à expiration en décembre 2006, et depuis, de nouveaux acteurs ont fait leur entrée et le marché commence à devenir une réalité économique (bien que très modeste pour l’instant). Les revendications des ayants droits et des opérateurs se sont durcies de part et d’autres car tout le monde commence à percevoir les intérêts financiers qu’ils pourraient tirer de ce nouvel usage. Les distributeurs, les exploitants et les éditeurs vidéos expriment leurs craintes.
Au début du mois de février, la loi sur le télévision du futur a été voté et elle prévoit que les FAI et les opérateurs télécoms devront participer au système de financement du cinéma en payant une taxe qui pourra aller jusqu’à 4,5% de leur CA lié à l’audiovisuel (à peu près 30 millions d'€). Cette disposition a été bien reçue par tous (à l'exception de Free) car elle a été présentée comme la contrepartie d’un avantage accordé: une TVA réduite à 5,5%. Cette participation au fond de financement change la donne car à présent, les opérateurs de VOD deviennent de fait, des acteurs de l’industrie du Cinéma et entendent bien faire valoir leurs revendications.
Aujourd’hui la négociation bute sur deux axes
principaux :
-une avancée de l’ouverture de la fenêtre à 6
mois afin de proposer des films plus récents, ce qui, selon les opérateurs, permettrait un vrai décollage du marché.
- La réouverture de la fenêtre d’exclusivité de
Canal Plus.
Sur le premier point, ce sont les éditeurs vidéos qui freinent, considérant
que seule leur fenêtre d’exclusivité leur permet d’amortir l’investissement
réalisé en amont dans le pré-financement des films. Il faut dire qu’ils pèsent
lourd dans la balance. En effet, le DVD est une source économique très
importante dans le cinéma puisque son CA est de 1,5 Milliards d'Euros
alors que la VOD
ne
représente que 15 millions en 2006, (on prévoit un CA de 210 millions en 2010).
Il faut donc prendre en compte cette réalité économique et personne n’a intérêt à porter atteinte au DVD. En revanche,
dans un soucis d’aider à l’émergence de la VOD, des propositions sont faites. La dernière
vient du président de Disney France, Daniel-Georges Lévi, qui propose de fixer
la fenêtre pour les DVD à quatre mois et demi après la sortie en salle, pour
tous les films, avec un système par paliers fondé sur les entrées en salle. «Par
exemple, le film pourrait sortir en DVD 4,5 mois après sa sortie en salles s'il
a dépassé le million d'entrées. En revanche, le délai serait ramené à 4 mois
s'il a attiré entre 1 million et 400.000 spectateurs, et à 3 mois s'il a réalisé
moins de 400.000 entrées», a t-il déclaré dans les Echos. Cette idée est intéressante mais que vont en penser
les exploitants.
Pour le deuxième point, Canal Plus doit trancher
sans tomber dans la schizophrénie. Je m’explique : pour tous les films qui
ont été pré-achetés par Canal Plus, une période d'exclusivité s'ouvre à elle, du 13ème
au 24ème mois. Canal Plus a donc actuellement la possibilité de faire cesser la
fenêtre d'exploitation de la VOD pour les autres plates-formes pendant cette période d'exclusivité, alors que les FAI
veulent la voir réduite pour remettre ces films sur le marché. Canal Plus, grand argentier du Cinéma
français et par ailleurs, opérateur de plate-forme avec CanalPlay (et leader actuellement sur le marché grâce à son partenariat avec Free), doit donc
décider si oui ou non, elle souhaite favoriser l’offre VOD aux dépens de son
offre de chaine à péage et de chaines thématiques. Je ne me fais pas beaucoup d'illusion sur l'option choisie.
Bref, les mondes du Cinéma et de la VOD doivent trouver un terrain d'entente et faire preuve d'une grande créativité pour trouver des solutions acceptables pour tous et qui permettent l'émergence d'un nouvel usage qui correspond à une vraie demande de la part du consommateur.
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