"Quand on est un homme de contenus, on le reste, quelque soit le support". C'est sans doute ce qu'a dû se dire Michael Eisner après son départ peu glorieux de Disney et qui "rebondit" en créant un nouveau Studio indépendant, spécialisé cette fois dans la production et la distribution de films sur Internet - Vuguru (nom dont j'ignore l'étymologie, s'il en existe une).
Après s'être associé à Time Warner dans le site de partage vidéo Veoh via son fond d'investissement Tornante, Eisner est donc passé à l'étape suivante avec la création d'un véritable Studio dédié aux Nouveaux Medias, avec l'ambition de devenir le leader dans la production de contenus originaux et innovants spécifiquement adaptés aux formats des nouvelles plate-formes VOD - et des nouveaux supports - tout en conservant le savoir-faire et la qualité des Studios traditionnels. Sans doute a-t-il l'ambition de redevenir l'un des tycoons d'Hollywood....online. (Cliquez ci-dessous pour lire la suite)
Les succès fulgurants de YouTube et Cie prouvent que la demande en contenus est là mais qu'il est temps de nourrir ces plates-formes avec des contenus adaptés, avec un degré de sophistication supplémentaire. Produits dans des conditions plus professionnelles, ces contenus séduiraient un plus large public. De plus, il s'agit d'offrir aux annonceurs la possibilité d'investir dans des programmes de qualité leur permettant d'avoir un meilleur retour sur investissement. D'ailleurs, Eisner a misé d'emblée sur la publicité en intégrant dans son plan de financement le sponsoring par des annonceurs sous deux formes: pubs avant et après chaque épisode mais également placement de produits (insertion visuelle ou verbale d'une marque dans la série).
Pour créer Vuguru, Eisner s'est appuyé sur le savoir-faire des Big Fantastics, un groupe de scénaristes, réalisateurs et producteurs dont la série Sam has 7 friends est considérée comme la série de référence sur Internet. Eisner entend organiser Vuguru sur le mode des studios classiques avec la création de pôle de développement dédié à différents projets, les énormes budgets en moins.
La première série produite à destination des Ados, s'appelle Prom Queen et narre le quotidien de jeunes lycéens, fait de trahisons, rumeurs, déceptions, deux mois avant la fameuse soirée de Prom Night qui cloture leur scolarité avant leur entrée à l'université. Cette série de 80 clips de 90 secondes chacun, a débuté le 2 avril. Le plan de diffusion décidé par Vuguru prévoit d'être présent sur plusieurs plate-formes mais toujours en adéquation avec la cible. Prom Queen est donc diffusé quotidiennement sur le site de Vuguru et du site dédié PromQueen.com mais également sur YouTube, Veoh, Elle Girl, et MySpace. L'exemple de MySpace est un peu particulier puisque l'accord passé avec le leader des sites de réseaux sociaux prévoit la diffusion des différents épisodes de la série dans un espace customisé, douze heures avant leur diffusion sur les autres sites. De plus, une page a été créée pour chacun des personnages dans le but d'amplifier l'effet viral. Ce partenariat entre Vuguru et la filiale de NewsCorp marque le point de départ de la nouvelle stratégie annoncée par le Groupe, de proposer des contenus exclusifs dits "premium" avec des chaines dédiées pour contre-balancer les effets du piratage et l'influence de YouTube et autres DailyMotion.
Il est encore trop tôt pour évaluer l'impact de la série mais l'effet buzz commence à prendre puisque l'on peut déjà voir des parodies de la série sur YouTube. Une compilation de la première semaine est également disponible. De plus, il est possible de s'abonner en la recevant directement dans sa boîte mail ou sur son ordinateur via Veoh. A la manière des podcasts, vous pouvez télécharger chaque jour sur votre ipod ou sur votre PMP (Portable Media Player) les épisodes et les regarder quand vous le souhaitez. Verizon, convaincu de la valeur ajouté de ce type de programmes s'est associé à Vuguru pour proposer la diffusion de la série sur la plate-forme de télé sur mobile V Cast et sur celle de VoD de FiOS TV.
PromQueen, dont le coût de production avoisine les 100 000 $ (somme ridicule comparée aux productions dites "classiques", fait figure de test pour Eisner, qui travaille déjà à un nouveau projet: produire une série avec des épisodes d'une durée de 5 à 7 minutes. L'idée étant de trouver le format le plus adéquat pour générer un chiffre d'affaire plus conséquent.
Ce qui est intéressant dans cette démarche, c'est qu'un ancien nabab d'Hollywood, grand spécialiste de l'industrie de l'Entertainment soit enfin arrivé à la conclusion qu'Internet est un média à part entière et qu'à terme, les internautes qui sont aussi des spectateurs et des téléspectateurs y convergeront. Mais seulement, s'ils y trouvent le contenu qui les intéresse. Eisner n'est plus probablement le seul à penser qu'il faut proposer des contenus alternatifs et on ne devrait pas tarder à voir arriver d'autres studios ou groupe de médias sur ce nouveau marché. Les places vont devenir chères et Vuguru espère, en arrivant sur ce terrain le premier, trouver sa place et pourquoi pas, devenir un acteur majeur de ce nouveau business. En tout cas, PromQueen peut marquer le début d'une nouvelle ère dans l'évolution de la vidéo dans le monde numérique.
Je me demande ce que sera la position des producteurs et des diffuseurs français. Vont-ils aller vers la production de contenus originaux de qualité (et non des adaptations de ce qu'ils font déjà), financés par la pub ou vont-ils appliquer la bonne vieille méthode du Wait and See avant d'analyser vers quelle tendance le marché américain s'oriente.
Ils sont trop forts ces américains. Espérons que les producteurs français n'attendront pas trop longtemps pour se lancer dans ce type d'aventures!!!
Rédigé par : laurent | 20 avril 2007 à 18:19