Depuis quelques jours, on ne compte plus les sites et les blogs américains qui ne parlent de Vudu (prononcez Voudou), la nouvelle sensation du secteur de la Vidéo à la demande. C'est la publication d'un article élogieux dans le New York Times - qui présente ce nouveau produit comme une étape clé dans la façon de consommer de la vidéo - qui a déclenché ce buzz phénoménal sur la toile, en à peine quelques heures.
Mais qu'est-ce que Vudu? C'est une set-up box, que l'on branche sur son téléviseur, et qui a deux particularités:
-la première est de proposer le visionnage d'un film de façon quasi-instantanée sans attendre le téléchargement. Pour y arriver, Vudu s'est orienté vers une solution plutôt intéressante. En effet, plutôt que de lancer le téléchargement à partir d'une source unique et centralisée, ce boitier stockerait quelques morceaux des films - dont les premières minutes - pour un lancement immédiat, le temps d'entamer le téléchargement du reste, en allant le chercher chez les autres détenteurs de boitiers, en s'appuyant sur un réseau P2P de type Bit-Torrent, un peu sur le même modèle que Joost. Cette démarche permet d'optimiser grandement la vitesse de téléchargement.
-la seconde concerne ce qui apparait comme le nerf de la guerre: le contenu. En effet, Vudu a un catalogue énorme puisqu'il compte déjà plus de 5 000 films quelques mois avant sa sortie prévue pour cet été - c'est à dire plus que tous les catalogues de plate-forme VOD françaises réunis, et ce, grâce à la signature d'accords avec l'ensemble des grands studios hollywoodiens (à l'exception de Sony) et des principaux studios indépendants.
Vudu est le produit d'une association entre le Français Alain Rossman (à qui nous devons déjà le WAP) et l'Américain Tony Miranz. Ses fondateurs comptent sur l’expertise de leur équipe, essentiellement composée d'anciens de chez TiVo, pour offrir une expérience utilisateur unique, basée sur une interface simple et performante et développer des spécificités techniques intéressantes. Pour l’instant, on sait que le boitier Vudu utilise la norme MPEG-4, dispose d'une sortie numérique (avec une connexion HDMI pour diffuser des images en HD), et d'un port Ethernet pour une connexion en réseau (malheureusement sans Wi-Fi). En revanche, certains détails comme la taille du disque dur n’ont pas été révélés.
Mais au-delà du buzz, que vaut vraiment Vudu ?
Les avantages d’abord :
-Ce produit correspond parfaitement au concept de « Vidéo-Club dans son salon » puisque l’offre cinématographique est réellement conséquente.
-Les ingénieurs de Vudu travaillent sur un système de prédiction qui consiste à prévoir quel film a de fortes chances d’être choisi, en fonction de son profil pour anticiper le prochain téléchargement. Ainsi, le début des films susceptibles d’être acheté par l’utilisateur est envoyé et stocké dans son boitier permettant un lancement immédiat du film.
-Une attention particulière a été portée sur l’interface et c’est peut-être sur ce point que Vudu peut faire la différence avec ses concurrents.
A présent, les Inconvénients :
-Pour bénéficier de ce service, l’achat du boitier est un préalable, or, il devrait être vendu aux alentours de 300$ -ce qui reste une somme. De plus, les utilisateurs devront s’acquitter à chaque visionnage d’une somme de 6-10$ (pour la location et la vente), ce qui n’est pas forcément bon-marché. Toute la question est de savoir si les clients vont privilégier le choix au coût.
-Ce service ne devrait pas proposer d’offre SVOD car, en contrepartie de leur accord, les Studios ont expressément précisé qu’il ne serait pas question d’abonnement et que le paiement à l’acte serait la règle.
-le boitier n’a pour l’instant d’autres fonctionnalités que celle de servir de réceptacle aux films téléchargés. Il n’intègre donc pas les fonctionnalités d’un Media Center pour accueillir, musique, ou photos.
-Les films téléchargés ne seront pas transférables sur baladeurs vidéos ou autres ordinateurs donc ne répond pas au concept de convergence que réclament les utilisateurs.
De plus, Vudu intervient dans un marché américain particulièrement concurrentiel où interviennent déjà la Xbox 360, la TiVo Series 3 via le service Unbox d’Amazon et l’Apple TV. Il n’est pas certain que les clients potentiels soient séduits par ce modèle qui suppose un investissement de base relativement conséquent, un énième boitier sous leur téléviseur et une offre commerciale finalement peu attractive. Certes il y a le choix. Mais je mettrais cependant un bémol : Cette avantage par rapport à la concurrence peut s’avérer à double tranchant ; en désignant Vudu comme leur ambassadeur, les studios tentent habilement de fixer les règles du marché de la VOD en limitant les conditions d’accès à leurs films, ce qui risque finalement de se retourner contre eux car alors, faute d’une offre souple et attractive, ils pourraient reprendre leurs habitudes de piratage et se détourner des modèles légaux.
Vu de France, Vudu ne me semble pas la révolution annoncée. Car finalement, grâce à nos FAI, qui ont su faire de leurs boitiers, de formidables media centers, l’utilisateur français bénéficie de tous les avantages de ce produit, à l’exception notable de la taille du catalogue. Mais les négociations progressent entre les Fournisseurs d’accès et les ayants-droits qui peu à peu prennent la mesure du phénomène VOD. De plus, l’achat d’un boitier supplémentaire, sans possibilité d’enregistrer, alors que les boitiers de nos FAI intègrent tous cette fonctionnalité, ne me parait pas gagné. Il n’est donc pas certain que l’Américain Vudu tente l’aventure française.
En revanche, les acteurs français du marché de la VOD ont tout intérêt à suivre avec attention l’accueil réservé à ce produit ainsi que les feed-backs des utilisateurs, afin d’en tirer quelques enseignements qui peuvent leur être bien utile. Notamment concernant l’interface qui constitue, selon moi, un atoût majeur pour le développement d’une plate-forme vod performante via une set-top box. Et franchement, même si l’on constate quelques améliorations, notamment chez Orange avec la nouvelle Box, il reste du travail à faire.
Moralité : Méfions-nous des buzz….
Magnifique !
Même si le schéma économique reste à revoir, l'idée d'utiliser une technologie comme le P2P dans un but commercial est très intéressante.
Rédigé par : GD | 16 mai 2007 à 10:16